Témoignage Marcel DUMARCHE
Une belle rencontre
« J’ai toujours eu de la chance ». C’est ce que m’ai dit Marcel Dumarche, 94 ans, ancien directeur commercial « Appros » de la CASAM.
Et, c’est vrai, il en a de la chance d’habiter cette grande et belle maison, à Saint-Pair-sur-Mer. Une maison en front de mer, tout près du Casino. De la salle à manger, une vue à couper le souffle sur la pointe du Roc de Granville et les îles Chausey. Quelques mètres seulement pour mettre les pieds dans l’eau. Mais, pour Marcel, ces bains de pieds, c’était hier. Aujourd’hui, ses déplacements se font essentiellement à l’intérieur de la maison, avec son déambulateur. Un matériel qui lui permet par de nombreux allers et retours de faire un kilomètre de marche chaque jour.
J’ai rencontré Marcel. Si sa mémoire le trahit de temps en temps, il aime raconter des souvenirs qui ont marqué sa vie. Et beaucoup d’anecdotes sur son long parcours de 39 années à la CASAM.
Dis-moi Marcel. Comment es-tu arrivé à la CASAM ?
« Avec beaucoup de chance. Je suis né le 3 décembre 1924 à St-Hilaire du Harcouët. Je n’ai pas de racines agricoles. Mes parents étaient dans la coiffure. J’ai fréquenté l’école primaire publique, au temps de la guerre, à un moment où on regroupait les filles et les garçons. J’étais un élève moyen, plus intéressé par le foot que par les cours. J’étais faible en orthographe. J’ai quand même décidé de passer le Brevet. Et j’ai été reçu. J’aurais même pu avoir une mention.
Encore de la chance pour mon entrée à la Casam. Un jour, je vois une annonce dans « le Glaneur » (aujourd’hui la Gazette de St-Hilaire). La Coopérative recherchait une jeune fille pour un mois de remplacement. Mon père m’a dit « tu y vas ». Je savais taper à la machine, alors j’y suis allé. J’ai rencontré Mr Charles Jaunet, Directeur de la succursale. Il m’a dit « C’est pour un mois ». La fille que j’avais remplacée n’est jamais revenue, alors j’y suis resté.
Monsieur et Madame Jaunet avaient 9 enfants, dont une fille, Thérèse. C’était la plus belle. Elle me plaisait. Cela a donc fini par un mariage.
Et tu as pris la Direction de la succursale
Oui, au départ de Charles Jaunet, j’étais candidat à sa succession. Mais il fallait l’accord de Mr Georges Leclerc sur ma rémunération. J’étais exigeant et je demandais la même que celle de mon ancien patron. Lui, Mr Jaunet, me disait que j’étais gonflé. On s’est mis d’accord après une bonne négociation sur le niveau de mon intéressement aux résultats. Et cela a bien marché. Dès la première année le niveau de l’activité et des résultats a été pulvérisé.
J’ai aussi assuré une direction provisoire à Carentan. Puis j’ai été appelé « au siège », à Coutances.
J’ai été remplacé par Jean Gorostis, à St-Hilaire et Lucien Lerond, à Carentan.
Comment es-tu arrivé au siège ?
Un jour, j’ai eu la visite de Georges Leclerc. Il venait me proposer de venir au siège. Mais sans me dire précisément pour quoi faire. C’était un peu sa méthode. J’ai accepté, mais les premiers mois je ne savais pas très bien ce qu’étaient mes fonctions . Et ma présence en inquiétait certains.
J’ai, rapidement, pris en charge les activités « appros » de la coopérative. Puis j’ai pris la Direction commerciale des approvisionnements. C’est vrai que j’ai toujours eu « la bosse du commerce ».
D’ailleurs, parallèlement, et en dehors de la Casam (Mr Leclerc était d’accord), j’ai lancé l’opération « Congélateurs collectifs ». J’avais vu cela en Suisse. J’étais le premier en France à lancer ces nouveaux équipements. Cela a bien marché, non seulement dans la Manche mais un peu partout sur le territoire national.
J’ai toujours cherché à développer le commerce. J’ai rencontré l’ambassade italienne qui m’a mis en relation avec la Chambre de commerce. Un jour, au salon des arts ménagers, j’ai vu les machines à laver « Indésit ». J’en ai acheté 10. Et après, la vente a explosé. Je me souviens d’un gamin qui regardait le hublot. Il croyait que c’était un téléviseur.
Des anecdotes à nous raconter ?
Mes fonctions me conduisaient à aller assez souvent à Paris. Un jour, Georges Leclerc m’interroge « Quand vous prenez le train, vous voyagez comment ? Je lui réponds « en 1ère » Il me dit « Moi, je voyage en seconde ». Je lui explique que c’était pour moi le moyen de rencontrer dans le train des Directeurs de coopératives laitières ou des commerciaux. Il ne m’a pas dit d’arrêter.
Une autre chose dont je me souviens. Je reçois un jour un appel téléphonique d’un Directeur de coopérative légumière du Nord de la Manche. Il m’informe que la coopérative de Landerneau s’apprêterait à racheter une affaire de conditionnement et vente de légumes dans la baie du Mt-St-Michel. J’en informe sur le champ Georges Leclerc. Nous partons immédiatement rencontrer l’expéditeur et c’est la Casam qui rachète l’affaire. Ce fut l’entrée de la coopérative dans l’activité légumière.
Et maintenant
Je suis parti jeune en retraite, après 39 années à la Casam et avec la médaille du travail. Pourtant, je n’avais rien demandé.
Aujourd’hui, Thérèse m’a quitté et je vis seul dans ma maison. Mais, j’ai encore de la chance. Je suis bien entouré. Tous les jours une personne vient faire la cuisine et manger avec moi. Et une aide-ménagère est présente le lundi et le jeudi.
J’ai aussi cette chance d’être de temps en temps entouré de mes 2 enfants, 4 petits-enfants et 6 arrière-petits-enfants.
Un grand merci à Marcel d’avoir accepté de se raconter. Nombreux sont ceux parmi les retraités Casam à l’avoir connu, cotoyé et apprécié. Il a été un acteur important de la belle histoire de la coopérative.
Propos recueillis en Avril 2019 par Charles Clavreul
Témoignage Henri PICHARD
Henri Pichard « 1944 – Des bombes au siège de la CASAM et de 8 succursales »
Témoignage :
Né en 1925, je suis entré à la CASAM, à 16 ans, après mon brevet élémentaire. Nous étions en 1941, en pleine période de restrictions. Tout était contingenté, y compris pour les agriculteurs. Je vois encore les files de voitures à cheval, devant le magasin, attendant pour se faire servir en aliments pour les animaux.
En 1944, la CASAM était présidée par Georges de la Comté et son directeur était Paul Leclerc (Père de Georges Leclerc). Une centaine de salariés travaillaient « à la Copé ».
Je me souviens. Le Lundi 5 Juin, l’ambiance était bizarre. On s’attendait à quelque chose mais on ne savait rien.
Le Mardi 6 l’inquiétude grandissait. On était au tra vail. On entendait les avions, mais on ne voyait rien. Nous avons fini notre journée.Vers 20 heures, je m’apprêtais à aller jouer au tennis sur le terrain du collège, rue des thermes, à Coutances. Les avions ronronnaient toujours. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’y suis pas allé. Et j’ai bien fait, car le terrain de tennis a été totalement retourné par les bombardements. Ce premier chapelet de bombes n’a pas duré longtemps mais a causé des dégâts au Palais de Justice, rue Gambetta. On en réalisait pas trop.
Puis une deuxième vague de bombes a frappé peu de temps après. A 20h45, on a récupéré quelques papiers et on est partis se réfugier chez des amis à Bricqueville-la-Blouette, à 3 km de Coutances. En une heure ou deux, ça arrivait à flot. Au moins une centaine de personnes. Nous y sommes restés jusqu’au 9 Août.
Le troisième bombardement, le plus long, celui de la nuit, était impressionnant. Des bombes incendiaires ont mis le feu à la ville. De Bricqueville, on voyait la ville en flammes. On avait peur de revenir à Coutances. Malgré tout, je retournais dans la ville quasiment tous les jours. Les réfugiés de la ferme me demandaient de fouiller dans les ruines de leurs maisons et de leur ramener des vêtements, du ravitaillement. Il n’y avait plus de pain. On mangeait ce qu’on trouvait. Beaucoup de légumes en provenance de la côte.
A la CASAM, des bombes sont tombées au siège, rue de l’écluse-chette. Une sur le magasin, une au fond de la cour, une autre au pied de l’atelier. Heureusement, elles n’ont pas éclaté. Si non, il n’y avait plus de CASAM. Le bâtiment comptabilité, où je travaillais a été détruit. La maison de Monsieur Leclerc a fait office de cantine pour le personnel pendant plusieurs mois.
Le siège n’a pas été le seul touché. La CASAM comptait 16 succursales. 8 d’entre elles ont été victime de bombardement.
Les suites ont été difficiles. J’ai été réquisitionné pour participer aux travaux de déblaiement de la ville. J’ai aussi travaillé avec une équipe chargée d’enlever les morts. Un sale boulot.
Propos recueillis par Charles Clavreul.
Témoignage Daniel ROUPSARD
Daniel ROUPSARD
Daniel ROUPSARD a été un acteur majeur dans la création et le développement de la filière légumière du groupe AGRIAL.
Sur la photo équipe de direction CASAM en 1988
autour de la table:
debout derrière: